En 2025, le luxe traverse une crise : vision floue, récit affaibli. Pour survivre, les marques doivent renouer avec la création, le récit, le sens.
Une tribune rédigée par Wilfried Klucsar, DG de l'agence Dix Sept Paris
Dans l’univers du luxe, certains ont longtemps soutenu que l’image suffisait. Aujourd’hui, nous en payons le prix. Le luxe est devenu un immense bruit blanc visuel, un défilé de contenus interchangeables où l’uniformisation l’emporte sur l’âme. Les marques produisent, publient, sponsorisent, mais que racontent-elles vraiment ? Rien ou si peu. Elles ont troqué la vision pour la viralité, la création pour l’algorithme.
Nous traversons en 2025 une crise du luxe… « Une polycrise » Eric Briones (@journal du luxe) l’a parfaitement exposé : crise de la valeur perçue, crise géopolitique, crise générationnelle. Et à chaque fois, le dupe agit comme un révélateur. Pas un parasite. Un symptôme. Ce produit qui copie l’apparence sans revendiquer l’authenticité prospère dans le vide narratif laissé par les grandes maisons.
Mais ce n’est pas une crise uniquement économique, culturelle ou technologique. C’est une crise de récit.
Pendant des décennies, les agences de communication ont été les partenaires essentiels du luxe. Elles incarnaient une boussole créative. Elles donnaient forme aux intuitions des maisons, du concept aux campagnes, du produit à l’icône. Aujourd’hui, trop de marques ont cru qu’elles pouvaient s’en passer. Elles ont internalisé la communication, industrialisé les contenus, fait du KPI leur seul juge de paix.
Et maintenant ? Elles crient dans le vide. Elles parlent à tout le monde, donc à personne. Elles oublient qu’un contenu n’est pas une stratégie. Qu’une grille Instagram n’est pas une direction artistique. Qu’un film de campagne ne vaut rien sans un univers cohérent.
Pendant ce temps, les États-Unis imposent un nouveau tempo. Des marques comme Rhode, Glossier, ou encore Telfar en mode, redessinent les codes : community-first, digital-native, produits désirables et discours affûté. Elles parlent fort, clair, et vrai. Et surtout, elles captent l’attention des nouvelles générations en contournant les codes historiques du luxe. Elles challengent directement les maisons européennes, autrefois indétrônables.
Et ce n’est pas tout. Les ateliers chinois eux-mêmes sortent de l’ombre. Certains, jusqu’alors prestataires silencieux pour les plus grandes maisons, vendent désormais en direct au consommateur, en promettant — et parfois en prouvant — qu’ils offrent la même qualité que ce qu’ils produisent pour Hermès. La chaîne de valeur est en train de se fissurer. Et avec elle, l’idée même de rareté, de savoir-faire sacré, de verticalité du luxe.
La Gen Z, elle, ne s’y trompe pas. Elle voit bien que les marques cherchent à l’acheter plutôt qu’à la toucher. Elle préfère le dupe non pas parce qu’il est « bon marché », mais parce qu’il ne ment pas. Il ne promet pas une histoire qu’il ne raconte pas.
Il existe pourtant des contre-exemples. Jacquemus, Loewe. Deux marques très différentes, mais qui inspirent parce qu’elles racontent quelque chose. Jacquemus fascine non parce qu’il inonde TikTok ou fait des défilés sur des plages roses, mais parce qu’il raconte son histoire, avec ses propres codes, ses fulgurances, ses maladresses parfois. Loewe, sous la direction de Jonathan Anderson, a su construire un univers esthétique et culturel d’une cohérence rare, où chaque campagne, chaque collection, chaque image contribue à une vision artistique globale.
Voilà ce que les marques ont oublié : ce n’est pas le format qui fait la différence, c’est la vision. Ce n’est pas la quantité de contenu, c’est la force d’un univers.
Et demain ? Demain, l’IA permettra à n’importe quelle jeune marque, avec un budget de 20 000 euros, de produire des visuels aussi léchés, des films aussi stylisés que ceux des plus grandes maisons. La barrière de production va tomber. Le seul rempart qui restera, ce sera le storytelling. La créativité. La capacité à incarner une vision. À se distinguer non par le paraître, mais par le propos.
Alors posons-nous la vraie question : Que reste-t-il aux marques si elles abandonnent leur lien avec la création ? Le luxe n’a jamais été qu’un produit. Il a toujours été un langage. Une culture. Une promesse.
Aujourd’hui, plus que jamais, les marques ont besoin de leurs agences. Pas comme prestataires, mais comme partenaires de sens. Comme éclaireurs dans un monde saturé.
Car dans ce brouhaha de dupes, de start-ups brillantes, d’ateliers affranchis et de contenus générés par l’IA, seules les marques qui auront su retrouver leur voix survivront. Et nous sommes là pour les y aider.
Une tribune écrite par Wilfried Klucsar (co-fondateur de l'agence de communication des Maisons de Luxe – Dix Sept Paris)
Vous avez aimé cet article sur la crise du luxe en 2025 et ne souhaitez rien rater de l'actualité com/marketing des maisons de Luxe ? Inscrivez-vous à la newsletter mensuelle de l'agence -> Subscribe on LinkedIn